Tribune - Élodie Jeanneteau, élue écologiste, dénonce les algorithmes des réseaux sociaux

Dans une tribune publiée sur son site Web, Élodie Jeanneteau, élue du Maine-et-Loire, dénonce les biais sexistes des algorithmes des réseaux sociaux à l'encontre des femmes politiques.
Élodie Jeanneteau est élue écologiste au Conseil départemental du Maine-et-Loire, sur le canton d'Angers 7, et avocate en droit public. Dans une tribune, publiée le 19 août 2025, elle dénonce la manière dont les algorithmes des réseaux sociaux enferment les femmes politiques dans une « bulle masculine » (male gaze), réduisant la portée de leurs idées à leur apparence.
Tribune. Femme politique, au rythme des algorithmes.
Réduites à un profil de site de rencontre : le quotidien des femmes élues qui publient sur les réseaux sociaux
Par Élodie Jeanneteau, conseillère départementale du Maine-et-Loire
Sur les réseaux sociaux de nombreuses femmes élues publiant régulièrement sur leur activité politique se trouvent avec un pourcentage très élevé de « followers » masculins. Ceci alors que les sujets abordés ne concernent pas spécialement le public masculin (urbanisme, budget, social...).
Ce constat a été relaté par de nombreuses femmes élues, sans que cela puisse être expliqué. Or, il s’avère que ce sont les effets des algorithmes.
Le constat, un public essentiellement masculin. La conséquence... des messages.
Cette audience massivement masculine leur donne l’impression d’être sur un site de rencontre, puisqu’une fois le contenu politique publié, elles reçoivent des messages privés depuis ces comptes politiques de ce type : « Salut belle femme comment allez vous ? », « Bonjour, comment ça va ? Pouvons-nous faire connaissance ? », « Tu es la plus belle élue politique que j’ai vu », « Joli sourire »
Ces messages privés ne parlent pas d’enfance, de social ou d’environnement. Ils les placent en position de proie comme si elles étaient inscrites sur un site de rencontres, alors que ce sont des publications politiques !
Un algorithme qui favorise les spectateurs de sexe masculin
Les chercheurs, les ONG, les responsables politiques qui s’y sont penchés sont unanimes : les algorithmes des grandes plateformes ne sont pas neutres. Ils amplifient ce qui suscite des réactions rapides — likes, clics, partages —, et cela inclut souvent la dimension physique, surtout pour les femmes. Ce que disent les études :
- Université de Copenhague : Les algorithmes de recherche et de recommandation renvoient plus souvent les femmes politiques à leur apparence qu’à leurs positions.
- Amnesty International : Une femme politique ou journaliste reçoit un tweet abusif ou problématique toutes les 30 secondes, une étude centrée sur les politiciennes indiennes lors des élections de 2019 montre qu’en moyenne 1 tweet sur 7 (environ 14 %) adressés à ces femmes était abusif.
- Daraj Media (2024) : Dans plusieurs pays, les plateformes amplifient les contenus sexualisant les élues, créant une « bulle masculine » autour de leur profil.
Sources :
« Female politicians disadvantaged by online prejudices and stereotypes », Université de Copenhague, 2022
« Crowdsourced Twitter study reveals shocking scale of online abuse against women », Amnesty International,
18 décembre 2018
« Biased Algorithms: How Digital Platforms Reinforce Abuse Against Female Politicians in Lebanon » - Daraj - 2024 - https://daraj.media/en/biased-algorithms-how-digital-platforms-reinforce-abuse-against-female-politicians-in-lebanon/
En d’autres termes : les algorithmes enferment nos idées dans une bulle où elles se dissolvent derrière l’image. On appelle cela le regard masculin « male gaze » numérique : une distorsion invisible qui réduit l’élue à son apparence, et rend ses propositions accessoires aux yeux de certains publics.
Une question démocratique
Il ne s’agit pas ici de susceptibilité personnelle de ces femmes élues. Il s’agit de démocratie. On entend : « C’est le jeu des réseaux sociaux ». Non. Ce n’est pas un jeu. Quand la moitié de la population — les femmes — est sous-représentée dans les mandats, et que celles qui s’y engagent doivent en plus batailler contre un filtre algorithmique qui détourne l’attention de leurs idées, nous avons un problème démocratique et d’égalité. C'est un plafond qui empêche nos idées d'atteindre notre audience.
Nous demandons:
- La transparence sur les critères de diffusion et de suggestion des profils politiques,
- Des garanties sur le fonctionnement des algorithmes pour que l’apparence ne soit pas un facteur prioritaire dans la hiérarchisation des contenus politiques.
Les algorithmes ne sont pas des lois naturelles : ils peuvent être corrigés. À nous, élues et élus, citoyennes et citoyens, d’exiger que ceux-ci servent un débat d’idées de qualité. Pour que la chance qu'une femme politique ait d'émerger puisse se faire par ses idées et non son décolleté.